Prokofiev: Sarcasms, Op. 17
Un petit mot sur le choix des interprétations: Pour des raisons pédagogiques, je sélectionne des versions très contrastées. L’objectif n’est pas de désigner un vainqueur, mais de mettre en lumière des approches radicalement différentes d’un même chef-d’œuvre. Ces écarts permettent d’affiner l’écoute et de mieux comprendre la richesse de l’interprétation.
Prokofiev Sergei 1891 – 1953
Le cycle Sarcasms, Op. 17 (5 pièces), a été écrit par Prokofiev entre 21 et 23 ans. La première présentation a eu lieu à Saint-Pétersbourg plusieurs années plus tard, en 1916.
On va ecouter que la piece n 2 Allegro rubato (ecrit en 1913).
Les harmonies de cette pièce sont complexes, mais elles restent ancrées dans la structure des tonalités classiques. Une fausse note s’entend immédiatement. Cette musique n’est absolument pas dodécaphonique ; elle suit une logique harmonique bien définie.
On peut entendre ici des harmonies évoquant celles de Scriabine (décédé en 1914). Et si l’on parle de sarcasme, difficile de ne pas y voir une pique adressée à Debussy, maître reconnu et figure incontournable de son époque.

Pour cette analyse, je vous propose trois interprétations à écouter dans l’ordre indiqué :
1. Frederic Chiu
Sarcasme n2. : 2.06 – 3.25
La première interprétation ne comporte pas de vidéo, mais vous pouvez suivre la partition en écoutant.
Elle me paraît très académique, presque scolaire. Techniquement impeccable, certes, mais stérile… Où est le sarcasme du jeune Prokofiev, celui qui composait en se moquant des grands maîtres et de tout le monde ?
2. Mark Taratushkin
Sarcasme n2. : 1.52- 2.58
Une performance spectaculaire et captivante—malice, ironie, et au milieu, j’attends une véritable querelle, de la précipitation, des piqûres.
Et l’interprétation prend en compte toutes les indications de la partition.
2. Daniil Trifonov
Sarcasme n2. : 2.19- 3.50
Daniil Trifonov est l’un de mes pianistes préférés, et je cherche souvent ses interprétations avant tout.
La version proposée est originale et très personnalisée. C’était vraiment intéressant de l’écouter après celles de Chui et Taratushkin… mais…
Daniil a ajouté beaucoup de sa propre touche à la partition, avec des accélérations et des ralentissements, un rubato parfois un peu trop libre. Est-ce qu’il y a plus de Debussy que de Prokofiev ? Je ne suis pas convaincue.
En résumé : Définitivement, je préfère l’interprétation sublime et vivante de Mark Taratushkin !