Avant-concert,  Compositeurs,  Inspiration

Dessiner Scriabine

Durée estimée : 40 à 50 minutes :

5 minutes pour plonger dans la lecture,
10 minutes pour choisir la musique qui vous inspirera,
5 à 10 minutes pour préparer les pinceaux et les couleurs,
puis 20 à 25 minutes pour laisser naître votre dessin.)

Cet article constitue la partie 3 de la préparation pour la visite de l’exposition Kandinsky, dans le cadre du projet AVANT CONCERT 2025‑2026.
Pour découvrir la conférence dans son intégralité et mieux comprendre l’univers coloré de Kandinsky, je vous invite à consulter la page Concert 2 : Exposition Kandinsky, la musique des couleurs

La théorie sans pratique est morte.
C’est pourquoi, aujourd’hui, nous allons peindre la musique.

Pour cette séance pratique, je vous propose de peindre la musique d’Alexandre Scriabine – et voici pourquoi.

Scriabine et la synesthésie

Scriabine, tout comme Kandinsky, ainsi que de nombreuses personnalités célèbres — peintres, compositeurs, scientifiques et écrivains — telles que Čiurlionis, Messiaen, Duke Ellington, Nikolaï Rimski-Korsakov, Jean Sibelius, Nikola Tesla ou encore Richard Feynman, ont rapporté avoir vécu des expériences de synesthésie.
Autrement dit, Scriabine, comme Kandinsky, possédait une ouïe colorée : il voyait les sons et associait la musique aux couleurs. Cette capacité porte le nom de synesthésie.

Sous l’influence de divers facteurs — notamment son intérêt pour la théosophie — Scriabine divisait les tonalités en deux catégories : les « spirituelles » (comme le fa♯ majeur) et les « terrestres » ou « matérielles » (comme le do majeur et le fa majeur). Il attribuait également à ces tonalités des couleurs spécifiques : le rouge représentait pour lui « la couleur de l’enfer », tandis que le bleu et le violet symbolisaient « l’esprit » et la « pensée ». Ainsi, il lui semblait naturel d’associer le do majeur et le fa majeur au rouge, et le fa♯ majeur à un bleu profond.
Pour Scriabine, ces correspondances étaient les plus évidentes et les plus lumineuses.

Le compositeur refusait de croire que ces associations ne fussent pas universelles. Il était convaincu qu’elles s’appliquaient à tous, et il tenta d’élaborer une véritable théorie reliant le son à la lumière et à la couleur. Contrairement à Kandinsky, Scriabine n’était pas un théoricien et n’a pas laissé de traités à ce sujet, mais des brouillons retrouvés dans ses archives ainsi que les témoignages de ses proches montrent qu’il réfléchissait intensément à la création d’un système universel liant musique et peinture.

Son ami proche, Leonid Sabaneïev, publia pour la première fois en 1911 la fameuse tableau des correspondances entre sons et couleurs selon Scriabine (Sabaneïev L., Souvenirs sur Scriabine, Moscou, 1925).

Note : les indications de la colonne de gauche ne désignent pas des sons isolés, mais des tonalités.

Tonalité Couleur associée
Do (C) Rouge
Sol (G) Orange rosé
Ré (D) Jaune
La (A) Vert
Mi (E) Bleu blanchâtre
Si (H/B) Semblable au mi
Fa♯ (Fis) Bleu vif
Ré♯ (Dis) Violet
La♭ (As) Pourpre violacé
Mi♭ (Es) Acier, avec des reflets métalliques
Si♭ (B) Acier, avec des reflets métalliques
Fa (F) Rouge foncé

Un peu d’humour :
Quand je cherchais des informations sur la synesthésie, l’un des premiers résultats que Google m’a proposés était :
« Qu’est-ce que la synesthésie et faut-il la soigner ? » et « Quelle est la différence entre la synesthésie et la schizophrénie ? »

À mon sens, la synesthésie est bien davantage le résultat d’un travail de l’esprit, d’une personnalité harmonieusement développée, qu’un simple phénomène physiologique. En cela, je partage tout à fait le point de vue d’Olivier Messiaen, tel qu’il est rapporté dans le livre de Samuel C. Entretiens avec Olivier Messiaen. Messiaen y explique que sa « vision » des couleurs musicales, perçue par son « œil intérieur », est le fruit de l’intelligence et de la pensée. Il refuse toute comparaison avec ce que peut ressentir une personne sous l’effet de drogues, lorsque n’importe qui devient alors un « synesthète » passif, spectateur d’images colorées inspirées non par l’esprit, mais par la chimie — ou, si l’on préfère, par la physiologie.

Revenons à Scriabine.

Il était si passionné par l’idée d’un lien entre musique et couleur qu’il considérait comme la mission de sa vie de créer une œuvre musicale où sons et lumières se fondraient en une harmonie parfaite.
En témoignent notamment certains titres de ses compositions, tels que Guirlandes, Vers la flamme ou Flamme sombre. Ses aspirations s’inscrivaient dans le mouvement artistique général de la fin du XIXᵉ et du début du XXᵉ siècle : la peinture explorait alors intensément la puissance expressive de la couleur, cherchant à traduire le mouvement et à se rapprocher de l’énergie du son. De plus en plus souvent, couleur et son étaient mis en parallèle.

En 1911, Scriabine présente la première de son poème symphonique Prométhée (Le Poème du feu), op. 60 — une œuvre pour piano, orchestre (incluant un orgue), voix (chœur ad libitum) et une partie lumineuse intitulée Luce.

Scriabine et Kandinsky

L’artiste Kandinsky (1866–1944) et le compositeur Scriabine (1871–1915) ont « cohabité » sur la même période, mais ils ne se sont jamais rencontrés. On ne sait pas si Scriabine connaissait les œuvres de Kandinsky, tandis que Kandinsky, lui, suivait attentivement la musique de Scriabine et fut profondément attristé par sa mort prématurée et inattendue.

Ce qu’ils ont en commun, c’est que tous deux cherchaient à établir des parallèles entre couleur et son.

Derniers préparatifs

Avant de commencer à peindre la musique de Scriabine, regardons comment Kandinsky peignait. Je vous propose un film documentaire unique, qui montre Kandinsky à son chevalet en 1926.

Atelier

Et enfin, nous sommes prêts pour l’atelier où nous allons dessiner la musique de Scriabine.

Réservez environ 30 à 40 minutes (10 minutes pour les préparatifs et 30 minutes pour le dessin).

  1. Écoutez la musique que je vous propose : Scriabine, Prélude op.16
    L’opus 16 se compose de 5 préludes, chacun durant entre 1 et 2 minutes. Écoutez-les et choisissez celui que vous souhaitez représenter en dessin.
    Écouter sur YouTube
  2. Préparez votre espace de travail
    Assurez-vous d’avoir 30 minutes sans distractions. Préparez tout le matériel disponible : papier (quel qu’il soit), crayons, feutres, stylos, et si vous en avez, aquarelle ou gouache. Vous pouvez dessiner en noir et blanc ou en couleurs, selon votre inspiration.

Pendant la séance, écoutez la musique choisie et laissez-vous guider par votre intuition. Ne vous imposez aucune contrainte : dessinez ce que vous ressentez. N’ayez pas peur de vous tromper — c’est impossible — et n’ayez pas peur de la page blanche.

Je serais ravie si vous partagez vos réalisations !

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